Ces rout’ à tas d’ cailloux où des beaux ch’vaux d’ calèches
S’ rencontr’ avec des ân’, des perch’rons, des mulets,
Où pass’ carriol’, patach’, tap’-culs, cabriolets
Att’lés d’ bidets pansus quand c’est pas d’ ross’ ben sèches,
Pour moi, c’est des ch’mins d’ vill’, censément comm’ des rues
Qui s’allong’raient sans fin et n’auraient pas d’ pavés,
Et tout c’ qui roul’ dessus, crasseux comm’ bien lavé,
De bruit, d’ forme et d’ couleur, m’ blesse l’oreille et la vue.
Sur ces rubans d’ terrain des berg’, des p’tit’ montagnes,
M’né par des maquignons, des laquais, des monsieurs,
Tout ça s’ démèn’, court, trott’, craq’ du r’sort et d’ l’essieu,
Mais tout ça : rout’, voitur’, ch’vaux, gens, c’est pas campagne !
Dans l’ sérieux d’ nos vallons comparez donc l’ passage
D’ ceux ch’vaux vêtus d’harnais qu’un ch’ti fouet cingl’ d’affronts
Avec nos bœufs tout nus qui n’ont que l’ joug au front ?
Eux et moi que j’ les mène on s’ mêle au paysage !
Parlez-moi d’ ma charrette entr’ ses buissons d’ verdure,
Montée—i’ semblerait—sur deux meul’ de moulin,
Couleur de terre et d’arbre, et dont l’ gros moyeu s’ plaint
Si douc’ment q’ ça m’en berc’, comme un chant d’ la nature !
Viv’ la voiture à bœufs qu’une aiguillad’ conduit,
Dont l’herb’, l’ornièr’, la boue étouff’, envas’ le bruit,
Qui prend l’ roulis câlin d’ ses deux lent’ bêt’ camuses,
Et s’en va comm’ l’eau calme et les bons nuag’ s’en vont !
C’est l’ vrai char de nos plain’, d’ nos marais, et d’ nos fonds,
Tout comm’ leur seul’ musique est cell’ des cornemuses.