Avec ta gente mie,
Où vas-tu, troubadour ? »
«—Je vais à ma patrie
Demander un beau jour.
Salut, rive enchantée,
Qui vis mes jeunes ans ;
De mon âme agitée
Reconnais les accents.
Jadis ma souveraine
A sa cour m’arrêta ;
Et pour si noble reine
Ton troubadour chanta.
Des belles la plus belle
Tombe en captivité ;
Avais chanté pour elle ;
Perdis ma liberté.
De l’auguste Marie
Déplorai les malheurs :
En ce temps de furie,
On punissait les pleurs.
Pour charmer ma misère,
Orgueil du troubadour,
J’ai chanté Bélisaire,
Henri-Quatre et l’Amour.
N’ai sauvé de ma chaîne
Que ma lyre et l’honneur ;
Et l’or, qui tout entraîne,
N’entraîna pas mon cœur.
Pastourelle naïve
Ecouta mes leçons ;
Sa voix, tendre et plaintive,
Y mêla ses doux sons.
La jeune enchanteresse,
Écolière d’Amour,
Devint dame et maîtresse
Du pauvre troubadour.
Au lieu de ta naissance,
Dit-elle, conduis-moi ;
Tu m’appris ta romance,
La chanterai pour toi.
Venez donc, gente mie,
Lui dit ton troubadour ;
Allons à ma patrie
Demander un beau jour.
Lyre ! ma douce lyre !
Obéis à mon cœur.
Le chant que je soupire
Est le chant du bonheur. »