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Louisa Siefert

Les Rêves : Chant de fête

Oh ! moi, je l’entends bien ce monde qui t’admire.Sainte-Beuve

VII

 
Il disait : « Pourquoi ce sourire,
« Pourquoi ces yeux prêts à pleurer,
« Pourquoi rester sans me rien dire,
« Et, tout bas, pourquoi soupirer ?
 
« Quel regret des choses passées
« Du jour présent vient émerger ?
« Quelle est celle de tes pensées
« Que je ne dois pas partager ?
 
« Est-ce désir, espoir ou rêve,
« Inquiétude ou souvenir ?
« Souffle de l’aube qui se lève
« Ou de la nuit qui va venir ?
 
« Est-ce au ciel bleu que tu regardes,
« Aux clairs horizons infinis ?
« Ou bien, cher ange qui nous gardes,
« Est-ce au foyer que tu bénis ?
 
« Est-ce tes enfants ou ta mère
« Ou celui qui vit à tes pieds ?
« Quelle envie ou quelle chimère
« Fait tes doux regards tout mouillés ?
 
« Est-ce angoisse ou mélancolie ?
« Ennui, songe vain, vague effroi ?
« Oh ! parle : tristesse ou folie,
« Tu le sais, j’aime tout de toi ! »
 
Mais elle, relevant la tête,
Répondait : «—Ne comprends-tu pas ?
« Tout à l’heure, au seuil de la fête
« On s’écartait devant nos pas.
 
« J’entendais un murmure étrange
« Qui s’élevait derrière nous...
« Et c’était un chœur de louange
« Autour du nom de mon époux.
 
« L’un disait l’œuvre de la veille,
« L’autre le bienfait d’aujourd’hui :
« Tous étaient d’accord, ô merveille !
« Et tous s’inclinaient devant lui.
 
« Tandis qu’il allait, l’âme fière
« De mon bras passé sous le sien,
« O candeur ! ô vertu première !
« Lui n’entendait, ne voyait rien.
 
« Mais moi, que sa gloire auréole,
« Que l’honneur de son nom grandit,
« Je recueillais chaque parole
« Et j’écoutais tout ce qu’on dit.
 
« Aussi pressé-je avec ivresse
« Dans ma main l’anneau nuptial,
« Immortel gage de tendresse,
« Chaînon du lien idéal ;
 
« Aussi plus que tous admiré-je
« Ces traits lassés & maladifs
« Et ce large front dont la neige
« Couronne les sillons hâtifs ;
 
« Aussi sens-je un dédain extrême
« Pour les biens dont tous sont jaloux ;
« Car j’ai l’amour pour diadème,
« La joie & l’orgueil pour bijoux. »
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