Ni nuage, ni vent, au ciel que ton œil sonde !
Vaste sérénité ! Pourtant, si le ciel dort,
L’onde veille : là-bas, sous un cap, la mer gronde ;
Ici, sur les cailloux, elle gazouille au bord.
Comme elle y berce bien cette felouque vide,
Dont les noirs matelots, à terre, en plein soleil,
Reposent, assoupis par la chanson liquide
Que le flot amical dédie à leur sommeil !
Sur le sable poli, comme elle court et fume !
Que ton agile pied la défie en passant,
Elle vient le mouiller d’une rapide écume ;
Puis, vers son lit pierreux, vite elle redescend.
Qu’elle est belle cette eau qui scintille et qui tremble ;
Cette nappe d’azur où pénètre le jour ;
Cette mer qui te voit, qui te parle, qui semble
Un immense sourire étincelant d’amour !
Qu’elle est belle ! Aux rochers plus verts que l’émeraude,
Aux sables frémissants de son golfe arrondi,
Quand rejaillit sa neige, éblouissante et chaude,
De quel éclat superbe elle brille à midi !
Midi ! Viens dans la grotte aux murs tendus de lierre ;
Allons-nous reposer sur nos tapis de joncs.
Enfant, tu chanteras, de ta voix familière,
L’hymne des jours heureux qu’ici nous abrégeons.
Ou bien, couple rêveur, dans l’ombre et le silence,
Nous nous contenterons d’entendre, ô ma beauté !
Ce cantique éternel que chaque flot cadence,
Ce chant de l’infini que Dieu même a noté !
Un concert de Mozart, le séraphin terrestre,
Peut lasser l’auditeur trop longtemps suspendu ;
Mais, sous l’archet de Dieu, la mer est un orchestre
Que les hommes jamais n’ont assez entendu.
Cris d’amour, chants de deuil, colères, agonies,
Baisers, rugissements, fanfares de vainqueurs :
Elle a tous les accords, toutes les harmonies,
Qui s’exhalent sans fin de la lyre des cœurs !
Soit aux vastes forêts, soit aux vents, soit à l’onde,
Quand Dieu donne une voix, et leur dit de chanter,
C’est une langue étrange, une langue profonde,
Immense, qu’à genoux on devrait écouter.
Elle est toujours la même, elle est toujours diverse ;
Et, malgré les climats, les siècles différents,
Avec elle à jamais l’humanité converse,
Disant : Parle toujours, parle, je te comprends !
C’est que chacun de nous, myriades sans nombre
D’oiseaux expatriés dont le ciel fut le nid,
Prête à sa passion, à son rêve, à son ombre,
L’idiome éternel que parle l’infini !
C’est qu’au rivage, enfin, cette voix, suivant l’heure,
Me traduit ma tristesse ou mon joyeux émoi ;
C’est que, si tu t’en vas, avec moi le flot pleure,
Et que, si tu reviens, le flot chante avec moi !