Jean Aicard

La cueillette des olives.

Novembre. Le vent d’Est pleure, et parmi les cieux
S’amassent les brouillards tristes et pluvieux.
 
Les oliviers sont noirs d’olives, et l’on coupe
Des roseaux sur les bords du marais ; puis, en troupe,
Effrayant les gros becs à grand bruit envolés,
Les travailleurs s’en vont à la cueillette. Allez,
Grimpez, garçons ; chantez dans l’arbre et dans les bises.
On étale à vos pieds les vieilles toiles grises
Où tombe, sous les coups actifs de vos roseaux,
Le fruit noir qu’avant vous récoltaient les oiseaux.
« Acanez ! » frappez sec ; l’olive se détache,
Tombe, et sur les draps clairs ressort comme une tache,
Et deux, trois, dix, vingt, cent, il en pleut. Alentour,
Les filles que d’en haut l’on taquine d’amour
Cherchent les fruits tombés en dehors de la nappe.
Mais quoi donc ! les roseaux s’arrêtent ! Çà, qu’on frappe !
Ravivez le travail un moment ralenti.
Quelle récolte, enfants ! les fleurs n’ont pas menti !
 
« Le roseau, disent-ils, est plus froid que du marbre. »
C’est pourquoi par instants le bruit cesse dans l’arbre ;
Le travail s’interrompt : ils soufflent dans leurs doigts.
« Eh ! disent ceux d’en bas, si vos roseaux sont froids,
Braves gens, croyez-vous que l’olive soit tiède ?
Venez donc ramasser, descendez à notre aide,
Et vous allez sentir s’il fait chaud par ici !
La terre, où la rosée est de glace, a durci, -
Et nous pique les mains de mille coups d’aiguilles. »
Mais les bons travailleurs laissent gémir les filles,
Car le travail repris les réchauffe, et le vent
Vient humide et malsain du côté du levant.
Puis lorsque, vers midi, le soleil enfin perce
Le plafond nuageux qui s’ouvre et se disperse,
Un instant de soleil fait croire aux travailleurs
Qu’ils en sont revenus aux longs jours des chaleurs ;
Et plus d’un mois, propice aux joyeux bavardages,
La cueillette chanteuse anime les feuillages.

Les Poèmes de Provence (1874)

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