Jean Aicard

À un poète de combat.

Puisque la vérité sublime
Vous embrase d’un saint désir
Et vous pousse à combler l’abîme
Que notre siècle doit franchir ;
 
Puisque le beau nom de justice
Fait resplendir votre drapeau ;
Puisque vous tenez pour le vice
Les clous tout prêts et le marteau !
 
Puisque vous rêvez pour la ville
La mort des préjugés railleurs ;
Puisque le héros qu’on exile
A lu votre amour dans vos pleurs ;
 
Puisque vous avez l’espérance
D’admirer un nouveau soleil
Qui ressuscite notre France,
Ou l’illumine à son réveil ;
 
Acceptez mon salut de frère,
Car je veux vous suivre au combat,
Et porter aussi la bannière
Qu’en vain la tyrannie abat.
 
Mes aînés, vous jouez un rôle
Aussi grand que je suis petit,
Mais sur la vôtre ma parole
S’aiguise, et le temps me grandit.
 
Hier j’ai dit : salut ! au poète
Qui nous guide vers l’avenir,
Et fait marcher à notre tête
Sa pure gloire de martyr.
 
Aujourd’hui : salut ! aux apôtres
Qui vont prêchant la liberté,
Tombant les uns après les autres,
Seuls prêtres de la charité !
 
Salut ! j’ai voulu vous connaître,
Et vous dévoiler mon amour,
Mes frères, car bientôt peut-être
Je vais me lever à mon tour.
 
Oh ! puissé-je, dans la bataille
Que j’engagerai dès demain,
Grandir assez ma courte taille
Pour presser vos mains dans ma main !

Les jeunes croyances (1867)

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