France, telle qu’elle est, j’offre cette œuvre à toi
Comme un autre jadis l’eût dédiée au Roi,
Du temps où, sauf la cour, tout le monde était rustre,
Pour qu’il la protégeât et qu’elle fût illustre.
Et d’ailleurs faudrait-il qu’on dit : Il a chanté
La Provence, un recoin de pays enchanté,
Exaltant (ce n’est pas ce que l’heure demande)
La petite patrie aux dépens de la grande ?
Je t’aime, ô mon pays tout entier, sol gaulois,
Dans tes cités, dans ton langage et dans tes lois,
Dans tes sombres forêts de chênes ou d’érables,
Jusqu’en tes guis sacrés qui restent vénérables :
Souvent, en traversant la Seine, je suis pris
De l’orgueil joyeux d’être un passant dans Paris !
Mais j’ai pour la Provence au ciel bleu la tendresse
Qu’on a pour l’Italie et qu’on a pour la Grèce.
Vieille Gaule à l’esprit attique, au cœur romain,
Souviens-t’en : la Provence est l’antique chemin
Par où la race hellène et latine à ta race
Apporta ses trésors de lumière et de grâce,
L’exquise politesse, honneur de nos cités,
L’art, la douce éloquence et toutes les beautés.
Ô France ! c’est donc toi que, dans ton âme même,
Toi que dans ton génie exalte mon poème,
Et comme en d’autres temps on l’eût offert au Roi,
Patrie, ô majesté, je le dédie à toi,
De sorte que ton nom dont j’invoque l’auspice
Désormais le décore, inscrit au frontispice.