Soudain l’homme se réveille
au milieu de la nuit
il est saisi par le malaise
et il écoute malgré lui
le silencieux vacarme de l’angoisse
le bruit qui ne fait pas de bruit
le silence qui hurle à la mort
dans le grand coquillage de la nuit
ce bruit aphone—ce bruit de cendres...
l’homme tente vainement de se défendre contre lui
mais le bruit continue son terrible et calme petit bruit
de bruit qui ne fait aucun bruit
alors l’homme saute à bas du lit
il ouvre la fenêtre
il demande à la rue de faire quelque chose
il la supplie de faire du bruit
du vrai bruit vivant comme la vie
mais la rue reste muette comme une lanterne sourde
muette comme une chouette qui serait muette
comme une palourde
la fenêtre donne sur un cimetière
un mur avec derrière sous terre des morts
et pas un chat
seulement le bruit qui ne fait pas de bruit
et qui se promène dehors
dans le paysage de la mort
dans le paysage de la nuit
et l’homme se cogne la tête contre le mur
son sang jaillit
comme une source
une source qui ne fait pas de bruit
et l’homme entend toujours l’atroce murmure
la froide clameur de l’insomnie
et vaincu comme un homme qui meurt
il s’écroule sur le tapis
soudain
les oiseaux du
Père
Lachaise se réveillent et
déchirent la nuit et le soleil aussi se lève pâle comme les gens qui n’ont pas dormi où donc a-t-il passé la nuit peut-être chez les filles du malaise là-bas... très loin... en malaisie l’homme se relève aussi saignant et grelottant du froid de la nuit il se cramponne à la barre d’appui il regarde le soleil briller rescapé du naufrage de la nuit il écoute tous les bruits de la vie il est bouche bée émerveillé
son visage est ensanglanté il sourit.