Louisa Siefert

L’abbaye

La chapelle de l’abbaye
Avait été toute envahie
D’un flot d’oisifs & de flâneurs ;
Et sur le marbre blanc des dalles,
Deux moins, traînant leurs sandales,
Guidaient à travers les dédales
Tous ces curieux promeneurs.
 
Devant ces royales merveilles,
Ainsi qu’un noir essaim d’abeilles,
La foule en groupes se formait.
Cependant rien n’était antique
Dans ce beau pastiche gothique,
Et par un cercueil authentique
Sous ses grands tombeaux ne dormait.
 
La nef alors se trouvait pleine.
Les moines au blanc froc de laine
Brusquement s’étaient écartés.
Nous errions aussi dans l’église,
À travers l’atmosphère grise,
Jetant un coup d’œil à la frise,
Un autre aux murs peints et sculptés.
 
Derrière la grille dorée,
À chaque côté de l’entrée
Du chœur, sous un rayon étroit
De clarté pâle & frissonnante,
Sortant de l’ombre environnante,
Jeunes, beaux, la robe traînante,
Les deux moines se tenaient droit.
 
Les yeux figés sous la paupière,
On eût dit des hommes de pierre,
Œuvre d’un artiste fervent.
—Ô moines ! dans l’humaine sphère,
Dans les devoirs que Dieu confère,
N’aviez-vous autre chose à faire
Qu’à poser en tableau vivant ?

"Rayons perdus" (1868)

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