Ce soir je reprendrai mon chemin solitaire,
Dans les champs où la nuit traîne son manteau bleu
J’irai, respirant l’air que l’herbe en fleur embaume,
Triste et pressant le pas comme ceux qui vont seuls ;
Je verrai les hameaux s’endormir sous le chaume,
Et les amants tresser leurs doigts sous les tilleuls,
Et les femmes filer encore, et les aïeuls
Rêver dans l’ombre au son d’une tardive enclume ;
Et débouchant enfin sur les hauteurs d’où l’œil,
Caressé par le vent nocturne, avec orgueil
Embrasse l’horizon déjà noyé de brume
Et le fleuve qui luit d’un éclat morne et froid
Et la ville et parmi ses noirs pignons le toit
Où ma lampe au moment des étoiles s’allume,
Ivre de larmes, seul, à la chute du jour,
D’un cri désespéré j’appellerai l’amour.