Alphonse Beauregard

Nocturne.

Que chantent les grillons et s’allument les phares !
Un esprit est venu sur le fleuve houleux
Réapprendre à nos cœurs des mots miraculeux.
N’incite plus, ô vent, les feuilles aux bagarres.
Dans l’air est apparu l’ancien rêve d’amour,
L’impérissable rêve au chaste et blanc contour.
Grillons, chantez encore et que brillent les phares !
 
Voici notre passé de désirs haletants.
Terre, jette un tapis de mousse et de pétales
Devant ces jours, chargés d’erreurs sentimentales.
Qui clament la valeur grandissante du temps,
Du temps si précieux pour nos âmes avides.
Effeuillez-vous, ô fleurs, onde, calme tes rides,
Voici notre passé de désirs haletants.
 
De lourds oiseaux de nuit s’en vont battant des ailes.
Partout l’effort de vivre en l’ombre est suspendu.
Plus nous voulons reconquérir le temps perdu
Et plus nous retenons les paroles formelles.
Nous hésitons, de peur de nous tromper encore.
L’espérance d’amour, triste, prend son essor
Avec les grands oiseaux qui fuient battant des ailes.

Les alternances (1921)

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