Albert Mérat

Les petits arbres

Malingres, laids, tendant de longs bras d’araignées,
Le corps cerclé de linge et les pieds dans du fer,
A deux pas des maisons, sans espace, sans air,
Les petits arbres vont en bandes alignées.
 
Ils sont libres de croître aux places assignées ;
On les garde de la chaleur et de l’hiver.
Ils ont sur eux le ciel des villes, jamais clair,
Toujours morne, et qui sied aux poses résignées.
 
L’été, quand l’air profond s’exhale dans la nuit,
Peut-être que de loin, des bois natals, un bruit,
Une voix leur parvient qui leur parle sans haine :
 
« Qu’êtes-vous devenus, ô nos frères bannis,
Platane au tronc d’argent, orme rude, et toi, chêne,
Abrités mais captifs, tranquilles mais sans nids ? »

Les souvenirs (1872)

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