Victor Hugo

Une alcôve au soleil levant

L’humble chambre a l’air de sourire ;
Un bouquet orne un vieux bahut ;
Cet intérieur ferait dire
Aux prêtres : Paix ! aux femmes : Chut !
 
Au fond une alcôve se creuse.
Personne. On n’entre ni ne sort.
Surveillance mystérieuse !
L’aube regarde : un enfant dort.
 
Une petite en ce coin sombre
Était là dans un berceau blanc,
Ayant je ne sais quoi dans l’ombre
De confiant et de tremblant.
 
Elle étreignait dans sa main calme
Un grelot d’argent qui penchait ;
L’innocence au ciel tient la palme
Et sur la terre le hochet.
 
Comme elle sommeille ! Elle ignore
Le bien, le mal, le cœur, les sens,
Son rêve est un sentier d’aurore
Dont les anges sont les passants.
 
Son bras, par instants, sans secousse,
Se déplace, charmant et pur ;
Sa respiration est douce
Comme une mouche dans l’azur.
 
Le regard de l’aube la couvre ;
Rien n’est auguste et triomphant
Comme cet œil de Dieu qui s’ouvre
Sur les yeux fermés de l’enfant.

Les chansons des rues et des bois (1865)

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