Il naît sous le soleil de nobles créatures
Unissant ici-bas tout ce qu’on peut rêver,
Corps de fer, cœur de flamme, admirables natures.
Dieu semble les produire afin de se prouver ;
Il prend, pour les pétrir, une argile plus douce,
Et souvent passe un siècle à les parachever.
Il met, comme un sculpteur, l’empreinte de son pouce
Sur leurs fronts rayonnants de la gloire des cieux,
Et l’ardente auréole en gerbes d’or y pousse.
Ces hommes-là s’en vont, calmes et radieux,
Sans quitter un instant leur pose solennelle,
Avec l’œil immobile et le maintien des dieux.
Leur moindre fantaisie est une œuvre éternelle ;
Tout cède devant eux ; les sables inconstants
Gardent leurs pas empreints, comme un airain fidèle.
Ne leur donnez qu’un jour ou donnez-leur cent ans,
L’orage ou le repos, la palette ou le glaive :
Ils mèneront à bout, leurs destins éclatants.
Leur existence étrange est le réel du rêve :
Ils exécuteront votre plan idéal,
Comme un maître savant le croquis d’un élève ;
Vos désirs inconnus, sous l’arceau triomphal
Dont votre esprit en songe arrondissait la voûte,
Passent assis en croupe au dos de leur cheval.
D’un pied sûr, jusqu’au bout ils ont suivi la route
Où, dès les premiers pas, vous vous êtes assis,
N’osant prendre une branche au carrefour du doute.
De ceux-là chaque peuple en compte cinq ou six,
Cinq ou six tout au plus, dans les siècles prospères,
Types toujours vivants dont on fait des récits.
Nature avare, ô toi, si féconde en vipères,
En serpents, en crapauds tout gonflés de venins,
Si prompte à repeupler tes immondes repaires,
Pour tant d’animaux vils, d’idiots et de nains,
Pour tant d’avortements et d’œuvres imparfaites,
Tant de monstres impurs échappés de tes mains,
Nature, tu nous dois encore bien des poètes !