A C***
(En lui demandant les œuvres d’un poète.)
Muse qui possédez au cœur ce saint trésor
Dont le ciel généreux enrichit ceux qu’il aime,
Lisez, lisez des vers ; mais plus souvent encore
Écrivez-en vous-même.
Écrivez ce que dit ce spectacle charmant
Que mon œil, grâce à vous, apprit à mieux connaître,
Paysage qui n’est encadré dignement
Que dans votre fenêtre.
Dans ce radieux golfe où l’âme se complaît,
Écrivez ce que dit le zéphyr à la voile,
Le flot au gouvernail, le pêcheur au filet,
Et la barque à l’étoile.
Écrivez ce que dit cet horizon serein
De montagnes d’azur, au couchant violettes,
Et cette brume d’or que seul Claude Lorrain
Trouvait sur ses palettes.
Écrivez ce que dit, le soir, en se levant,
La lune, dont l’image à la mer brille et tremble,
Reflet qu’on aime à suivre à la plage en rêvant,
Lorsqu’on va deux ensemble.
Écrivez ce que dit au rivage attentif
Cette voix, de la mer, si bien entrecoupée,
De la brise et du flot murmure alternatif,
Immense mélopée ;
Concert vague et profond, qui n’est jamais si doux,
Si suave à l’oreille et pénétrant à l’âme,
Que le soir, vers minuit, quand c’est auprès de vous
Qu’on l’écoute, Madame !