Jacques Prévert

Embrasse-moi

C’était dans un quartier de la ville
Lumière
 
Où il fait toujours noir où il n’y a jamais d’air
 
Et l’hiver comme l’été là c’est toujours l’hiver
 
Elle était dans l’escalier
 
Lui à côté d’elle elle à côté de lui
 
C’était la nuit
 
Ça sentait le soufre
 
Car on avait tué des punaises dans l’après-midi
 
Et elle lui disait
 
Ici il fait noir
 
n n’y a pas d’air
 
L’hiver comme l’été c’est toujours l’hiver
 
Le soleil du bon
Dieu ne brilT pas de notr’ côté
 
Il a bien trop à faire dans les riches quartiers
 
Serre-moi dans tes bras
 
Embrasse-moi
 
Embrasse-moi longtemps
 
Embrasse-moi
 
Plus tard il sera trop tard
 
Notre vie c’est maintenant
 
 
 
Ici on crèv de tout
 
De chaud de froid
 
On gèle on étouffe
 
On n’a pas d’air
 
Si tu cessais de m’embrasser
 
Il me semble que j’ mourrais étouffée
 
T’as quinze ans j’ai quinze ans
 
A nous deux on a trente
 
A trente ans on n’est plus des enfants
 
On a bien l’âge de travailler
 
On a bien celui de s’embrasser
 
Plus tard il sera trop tard
 
Notre vie c’est maintenant
 
Embrasse-moi !
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