Félix Arvers

La femme adultère

Écoutez ce que c’est que la femme adultère.
Sa joie est un tourment, sa douleur un mystère :
Dans son cœur dégradé que le crime avilit
Un autre a pris la place à l’époux réservée ;
D’impures voluptés elle s’est abreuvée ;
         Un autre est venu dans son lit.
 
Dévorée au dedans d’une flamme cachée,
Toujours, devant les yeux son image attachée
Jusqu’aux bras d’un époux vient encor la troubler ;
Elle reste au logis des heures à l’attendre.
Prête l’oreille et dit, quand elle croit l’entendre,
         A ses enfants de s’en aller.
 
Son complice ! des lois il brave la vengeance !
Qui pourrait, trahissant leur sourde intelligence,
Éveiller dans les cœurs le soupçon endormi ?
De son crime impuni le succès l’encourage,
La mère lui sourit, et l’époux qu’il outrage
         L’embrasse en disant : mon ami.
 
Voici venir enfin l’heure tant retardée ;
Les voilà seuls, la porte est close et bien gardée :
Pourquoi cet air pensif, pourquoi cet œil distrait ?
Pourquoi toujours trembler et pâlir d’épouvante ?
Personne ne l’a vu monter, et la suivante
         A reçu le prix du secret.
 
Dans un festin brillant le hasard les rassemble ;
Leurs sièges sont voisins. Que vont-ils dire ensemble ?
Quel sinistre bonheur dans leurs regards a lui !
Oh retiens les éclairs de ta prunelle ardente,
Garde de te trahir, et de boire, imprudente !
         Dans la même coupe après lui !
 
Que dis-je ? Du mépris et de l’indifférence
Elle sait à son œil imposer l’apparence :
Un regard indiscret jamais ne révéla
De son cœur déchiré la sombre inquiétude.
Elle s’observe, et sait, à force d’habitude,
         Rester froide quand il est là !
 
Ses tourments sont cachés à tous, soyez sans crainte ;
Aussi regardez-la sans gêne et sans contrainte
Répondre à vingt propos, sourire... oh si du moins,
Pour apaiser l’ardeur dont elle est embrasée,
Elle pouvait, auprès d’une obscure croisée,
         L’avoir un instant sans témoins !
 
Sentir le bruit léger de sa robe froissée,
Dans les plis de satin sa jambe entrelacée,
Lui donner d’un regard l’heure du lendemain,
Et, dans ce tourbillon qui roule et qui l’emporte.
Lui dire... ou seulement debout, près de la porte,
         En passant lui serrer la main !
 
Cependant, pas à pas, la vieillesse est venue
Troubler son cœur flétri d’une crainte inconnue.
Le prestige enivrant s’est enfin dissipé :
Il faut quitter l’amour, l’amour et son ivresse ;
Il faut se trouver seule et subir la tendresse
         De cet homme qu’elle a trompé.

Pièces inédites (1851)

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