Charles Guérin

Quand, au matin, je vois tes persiennes

Quand, au matin, je vois tes persiennes s’ouvrir
       Doucement comme des paupières,
Et toi-même accoudée au balcon en fleurir,
       Rose blanche, les vieilles pierres,
 
Mon âme livre alors ses ailes au baiser
       De la jeune lumière heureuse,
Et vole, frémissante abeille, se poser
       Aux plis de ta bouche amoureuse.
 
Et je dis, bénissant la main qui modela
       Ta suave argile embaumée
Seigneur, vous qui l’avez faite ainsi, gardez-la
       Tendre et belle, ma bien-aimée,
 
Celle qui, d’un pied sûr, dans la route où je vais,
       Marche souriante et paisible,
Les seins hauts et formant de ses deux bras levés
       Les anses d’une urne invisible.

Le semeur de cendres (1901)

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