Yves Bonnefoy

Deux couleurs

Plus avant que l’étoile
Dans le reflet
Creusent deux mains qui n’ont, pour retenir,
Que leur confiance.
Cherchent deux mains, brisées,
Pour mieux que l’or
Et que naisse la vie
De rien qu’un rêve.
O gerbes du reflet
Malgré la boue,
Seuil dans le froissement
De l’eau fermée.
Branches et fruits qui passent
L’eau maçonnée !
Oui, tu es ce pays.
Toi que j’éveille
Comme dans l’eau qu’on trouble, même de nuit.
Le ciel est autre.
Bouge dans l’eau remuée
L’arbre d’étoiles.
 
Prend, dans le souffle accru,
L’autre lumière.
Et donc, puissance nue,
Je te recueille
Dans mes mains rapprochées
Pour une coupe.
S’écoulent au travers
De mes doigts les mondes,
Mais ce qui monte en nous, mon eau, brûlée,
Veut une vie.
Je te touche des lèvres,
Mon amie.
Je tremble d’aborder, enfant, sommeil,
A cette
Egypte.
Feuillages, nuits d’été,
Bètes, routes du ciel,
Souffles, silencieux, signes, inachevés,
Sont là qui dorment.
 
Bois, me dis-tu pourtant.
Au sens qui rêve.
Bois, je suis l’eau, brûlée,
A l’épaule du flux,
Là où gonfle le sein,
Par un reflet d’étoile.
Bois, en reflet.
 
Aime sur moi, que tu ne peux saisir,
D’une bouche sans fin,
La présence immobile de l’étoile.
J’ai confiance, je bois,
L’eau glisse de mes doigts.
Non, elle brille.
Terres, entr’aperçues,
Heibes d’avant le temps, pierres mûries,
Couleurs autres, jamais
Rêvées si simples,
Je louche à vos épis, lourds, que courbe le flux
Dans la ténèbre.
Et notre cri, soudain,
Défait l’étreinte,
Mais quand tu te répands,
Aube, ce blé demeure.
Plus avant que l’étoile
Qui a blanchi
Trouve l’agneau le berger
Parmi les pierres.
Aube sur l’écume, laiteuse,
Des bêtes serrées.
 
Paix au bout du flot, désuni,
Des piétinements.
Il a fait froid, de la nuit
Reste mêlée à la terre.
Plus avant que l’étoile
Dans ce qui est
Se baigne simple l’enfant
Qui porte le monde.
Il fait nuit encore, mais lui
Est de deux couleurs,
Un bleu qui prend au vert
Du faite des arbres
Comme un feu se fait clair
Parmi des fruits
El le rouge des lourdes
Étoffes peintes
Que lavait l’Égyptienne, l’irréveillée,
De nuit, dans l’eau du lleuve.
Quand la perche a heurté.
Est-ce le jour.
Dans la boue de l’image aux yeux déserts
A la parole.
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