Ce bonhomme avait les yeux mornes
Et, sur son front, chargé d’ennui,
L’incorrection de deux cornes
Tout à fait visibles chez lui.
Ses vagues prunelles bourrues
Reflétaient dans leur blême éclair
Le sombre dédale des rues
De la grande ville d’enfer.
Son pied fourchu crevait ses chausses ;
Hors du gouffre il prenait le frais ;
Ses dents, certes, n’étaient point fausses,
Mais ses regards n’étaient pas vrais.
Il venait sur terre, vorace.
Dans ses mains, aux ongles de fer,
Il tenait un permis de chasse
Signé Dieu, plus bas Lucifer.
C’était Belzébuth, très bon diable.
Je le reconnus sur-le-champ.
Sa grimace irrémédiable
Lui donnait l’air d’un dieu méchant.
Un même destin, qui nous pèse,
Semble tous deux nous châtier,
Car dans l’amour je suis à l’aise
Comme lui dans un bénitier.
L’amour,—jaloux, ne vous déplaise,—
Est un doux gazon d’oasis
Fort ressemblant à de la braise
Sur laquelle on serait assis.
Une femme ! l’exquise chose !
Je redeviens un écolier ;
Je décline Rosa la rose ;
Je suis amoureux à lier.
Or le diable est une rencontre ;
Et j’en suis toujours réjoui.
De tous les Pour il est le Contre ;
Il est le Non de tous les Oui.
Le diable est diseur de proverbes.
Il songeait. Son pied mal botté
Écrasait dans les hautes herbes
La forêt de fleurs de l’été.
L’un près de l’autre nous passâmes.
—Çà, pensai-je, il est du métier.—
Le diable se connaît en femmes,
En qualité de bijoutier.
Je m’approchai de son altesse,
Le chapeau bas ; ce carnassier,
Calme, me fit la politesse
D’un sourire hostile et princier.
Je lui dis :—Que pensez-vous d’elle ?
Contez-moi ce que vous savez.
—Son désir de t’être fidèle,
Dit-il, est un de mes pavés.