Théodore de Banville

Vénus couchée.

L’été brille ; Phœbus perce de mille traits,
En haine de sa sœur, les vierges des forêts,
Et dans leurs flancs brûlés de flammes vengeresses
Il allume le sang des jeunes chasseresses.
Dans les sillons rougis par les feux de l’été,
Entouré d’un essaim, le bœuf ensanglanté
Marche les pieds brûlants sous de folles morsures.
Tout succombe : au lointain les Nymphes sans ceintures
Avec leurs grands cheveux par le soleil flétris
Épongent leurs bras nus dans les fleuves taris,
Et, fuyant deux à deux le sable des rivages,
Vont cacher leurs ardeurs dans les antres sauvages.
Dans le fond des forêts, sous un ciel morne et bleu,
Vénus, les yeux mourants et les lèvres en feu,
S’est couchée au milieu des grandes touffes d’herbe
Ainsi qu’une panthère indolente et superbe.
Dénouant son cothurne et son manteau vermeil,
Elle laisse agacer par les traits du soleil
Les beaux reins d’un enfant qui dort sur sa poitrine,
Et tandis que frémit sa lèvre purpurine,
Un ruisseau murmurant sur un lit de graviers,
Amoureux de Cypris, vient lui baiser les pieds.
Sur son beau sein de neige Éros maître du monde
Repose, et les anneaux de sa crinière blonde
Brillent, et cependant qu’un doux zéphyr ami
Caresse la guerrière et son fils endormi,
Près d’eux gisent parmi l’herbe verte et la menthe
Les traits souillés de sang et la torche fumante.

Les Cariatides (1842)

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