Théodore de Banville

Ballade des belles châlonnaises.

Pour boire j’aime un compagnon,
J’aime une franche gaillardise,
J’aime un broc de vin bourguignon,
J’aime de l’or dans ma valise,
J’aime un verre fait à Venise,
J’aime parfois les violons ;
Et surtout, pour taire à ma guise,
J’aime les filles de Châlons.
 
Ce n’est pas au bord du Lignon
Qu’elles vont laver leur chemise.
Elles ont un épais chignon
Que tour à tour frise et défrise
L’aile du vent et de la brise :
De la nuque jusqu’aux talons,
Tout le reste est neige et cerise,
J’aime les filles de Châlons.
 
Même en revenant d’Avignon
On admire leur vaillantise.
Le sein riche et le pied mignon,
L’œil allumé de convoitise,
C’est dans le vin qu’on les baptise.
Vivent les cheveux drus et longs !
Pour avoir bonne marchandise,
J’aime les filles de Châlons !
 
                     Envoi :
 
Prince, un chevreau court au cytise !
Matin et soir, dans vos salons
Vous raillez ma fainéantise :
J’aime les filles de Châlons.

Trente-six ballades joyeuses (1873)

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