Sonnet XCV.
Sort inique et cruel ! le triste laboureur
Qui s’est arné le dos à suivre sa charrue,
Qui sans regret semant la semence menue
Prodigua de son temps l’inutile sueur,
Car un hiver trop long étouffa son labeur,
Lui dérobant le ciel par l’épais d’une nue,
Mille corbeaux pillards saccagent à sa vue
L’aspic demi pourri, demi sec, demi mort.
Un été pluvieux, un automne de glace
Font les fleurs, et les fruits joncher l’humide place.
A ! services perdus ! A ! vous, promesses vaines !
A ! espoir avorté, inutiles sueurs !
A ! mon temps consommé en glaces et en pleurs.
Salaire de mon sang, et loyer de mes peines !