Théodore Agrippa d'Aubigné

Liberté douce et gracieuse

Stance IX.
 
Liberté douce et gracieuse,
Des petits animaux le trésor,
Ah liberté, combien es-tu plus précieuse
Ni que les perles ni que l’or !
 
Suivant par les lois à la chasse
Les escureux sautans, moi qui estoit captif,
Envieux de leur bien, leur malheur je prochasse,
Et un pris un entier et vif.
 
J’en fis présent à ma mignonne
Qui lui tressa de soie un cordon pour prison ;
Mais les frians apas du sucre qu’on luy donne
Luy sont plus mortelz que poison.
 
Les mains de neige qui le lient,
Les attraians regars qui le vont decepvant
Plustost obstinement à la mort le convient
Qu’estre prisonnier et vivant.
 
Las ! commant ne suis-je semblable
Au petit escurieu qui estant arresté
Meurt de regretz sans fin et n’a si agréable
Sa vie que sa liberté ?
 
Ô douce fin de triste vie
De ce cueur qui choisist la mort pour les malheureux,
Qui pour les surmonter sacrifie sa vie
Au regret des champs et des fleurs !
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