Robert Desnos

Lou la requine

I
 
Tu n’es ni beau ni riche,
Ton amour est un faix,
Par le mal qu’il me fait
Ton amour m’est fétiche.
 
Laisse se rassir la miche
Dans le fond du buffet
Trop sincère en effet
Tu perds tout quand tu triches
 
Tu souffres sans le dire
Tu pleures dans ton rire
Tu es bien mon amant
 
Je suis
Lou la rouquine
Je suis
Lou la requine
Je t’aime éperdument
 
II
 
Pour le mal qu’il me fait
Ton amour m’est fétiche
Laisse rassir la miche
Dans le fond du buffet
 
Dans la nuit du café
La nébuleuse biche
Fuit dans le ciel en friche
Aux lueurs d’autodafé
 
Quand tu viens nuitamment
Rôder tel un dément
Près de
Lou la coquine
Si tu lis l’avenir
Dis-moi quand va mourir
L’amour plus hérissé qu’un buisson d’églantines
 
III
 
Si la mort me coiffait avec son peigne d’ambre
Le ciel serait défait
Juillet serait
Décembre
 
si la mort m’appelait
Elle deviendrait muette
Les murs de son palais
Tomberaient sur sa tête
 
Je ne veux pas mourir
De mon sang je suis ivre aux autres de pourrir à nous de leur survivre
 
Et nous pourrons chanter
Lou la douce requine
Son cœur et sa beauté
L’amour et l’églantine
 
La rose au bec de l’aigle
Exhalant ses parfums et la saveur du seigle et nos soifs et nos faims
 
Et que nos soifs ardentes nos faims et nos désirs  bel amant chère amante ne puissent s’assouvir
 
IV
 
Après moi mon amour, avec tant d’insistance
Tu appelles en rêve et désires me voir que ton rêve m’atteint à travers la distance
Et que tu m’apparais à la chute du soir.
 
J’admire ton amour et chéris ta constance
Ce n’est pas pour sept ans, comme un bris de miroir
Mais pour l’éternité qu’un regard sans prudence a marqué ton destin du sceau de mon pouvoir
Je sais ce que je puis ordonner à ton cœur
Que ce cœur m’appartient et que jamais ne meurt
Le feu qui m’illumine autant qu’il te consume
 
Mais je suis ta victime autant que ton vainqueur
Et notre amour gagna, comme un fer, sa vigueur
Des chocs d’un lourd marteau sur une dure enclume
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