Paul Verlaine

Circoncision

Petit Jésus qui souffrez déjà dans votre chair
Pour obéir au premier précepte de la Loi,
Or, nous venons en ce jour saintement doux-amer,
Vous offrir les prémices aussi de notre foi.
 
Pour obéir, nous autres, à votre obéissance,
Nous apportons sur l’autel le parfait hommage
De nos péchés pénitents à votre innocence,
Sur l’autel blanc où votre sang si pur, notre otage,
 
Coule mystiquement comme il coula littéral
Au Golgotha, comme il stilla, pas plus réel
Mais littéral aussi, ce jour, dont le rituel
Retient l’anniversaire cruel et lilial.
 
Et nous circoncisons nos cœurs suivant votre exemple,
Et nous voudrons ressembler à Vous-même, qui fites
Le vieux Siméon, dans la solennité du temple,
Exhaler vers vous une allégresse sans limites.
 
L’ancien Adam qui se désolait dans son espoir
Toujours remis d’enfin voir, de ses yeux, nous meilleurs,
Nous très doux sans plus d’ire rouge ou d’orgueil noir,
Va chanter un fier cantique de joie et de pleurs,
 
Et dans les cieux les bienheureux et bienheureuses
S’éjouiront plus que de coutume, et les anges,
Pour ce que cette année, elle à peine dans les langes,
Dès son premier souffle, a ces haleines amoureuses.

Liturgies intimes (1892)

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