Paul Valéry

Même Féerie

La lune mince verse une lueur sacrée,
Comme une jupe d’un tissu d’argent léger,
Sur les masses de marbre où marche et croit songer
Quelque vierge de perle et de gaze nacrée.
 
Pour les cygnes soyeux qui frôlent les roseaux
De carènes de plume à demi lumineuse,
Sa main cueille et dispense une rose neigeuse
Dont les pétales font des cercles sur les eaux.
 
Délicieux désert, solitude pâmée,
Quand le remous de l’eau par la lune lamée
Compte éternellement ses échos de cristal,
 
Quel coeur pourrait souffrir l’inexorable charme
De la nuit éclatante au firmament fatal,
Sans tirer de soi-même un cri pur comme une arme ?
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