Nérée Beauchemin

La cloche de Louisbourg

Cette vieille cloche d’église
Qu’une gloire en larmes encor
Blasonne, brode et fleurdelise,
Rutile à nos yeux comme l’or.
 
On lit le nom de la marraine,
En traits fleuronnés, sur l’airain,
Un nom de sainte, un nom de reine,
Et puis le prénom du parrain.
 
C’est une pieuse relique :
On peut la baiser à genoux ;
Elle est française et catholique
Comme les cloches de chez nous.
 
Jadis ses pures sonneries
Ont mené les processions,
Les cortèges, les théories
Des premières communions.
 
Bien des fois, pendant la nuitée,
Par les grands coups de vent d’avril
Elle a signalé la jetée
Aux pauvres pêcheurs en péril.
 
À présent, le soir, sur les vagues,
Quelque marin qui rôde là,
Croit ouïr des carillons vagues
Tinter l’Ave Maris Stella.
 
Elle fut bénite, Elle est ointe.
Souvent, dans l’antique beffroi,
Aux Fêtes-Dieu, sa voix s’est jointe
Au canon des vaisseaux du Roy.
 
Les boulets l’ont égratignée,
Mais ces balafres et ces chocs
L’ont à jamais damasquinée
Comme l’acier des vieux estocs.
 
Oh ! c’était le coeur de la France
Qui battait, à grands coups, alors,
Dans la triomphale cadence
Du grave bronze aux longs accords.
 
Ô cloche ! c’est l’écho sonore
Des sombres âges glorieux,
Qui soupire et sanglote encore
Dans ton silence harmonieux.
 
En nos coeurs, tes branles magiques,
Dolents et rêveurs, font vibrer
Des souvenances nostalgiques,
Douces à nous faire pleurer.

Les floraisons matutinales (1897)

#CanadianWriters #ÉcrivainsFrançais

Altre opere di Nérée Beauchemin...



Alto