Jean Aicard

Liberté, Égalité, Fraternité.

Quand nous saurons bien tous que nous sommes des frères,
Quand l’amour coulera dans le sang de nos cœurs ;
Debout sur les engins des haines et des guerres,
Quand vainqueurs et vaincus s’embrasseront, vainqueurs ;
 
Quand, reniant le trône, un roi dira : « J’abdique !
J’abdique les hauteurs... je dois régner d’en bas ! »
Quand on aura compris la sainte République,
Quand les peuples n’auront ni prêtres ni soldats !
 
Quand on ne verra plus sous les splendeurs célestes
Le théâtre forain, l’auberge aux toits branlants ;
Quand les forts et les grands n’auront plus sur leurs vestes
Les tatouages d’or des bouffons ambulants !
 
Quand l’homme bénira Dieu, créateur des mondes,
Ou dira : « Je ne puis monter jusqu’à la foi !
Ô Dieu qui t’es voilé de ténèbres profondes,
Laisse-moi seul ! je vais, sans plus songer à toi ! »
 
Quand les foules, bien haut par l’Esprit emportées,
Jetteront dans l’oubli l’inutile douleur,
Quand douteurs et croyants, et sublimes athées
Éclairciront les nuits de l’esprit par le cœur !
 
Quand la science et l’art par leurs portes divines
Montreront l’inconnu : la Vie ou le Néant !
Quand tous les cœurs auront dans toutes les poitrines
La régularité des flux de l’Océan !
 
Quand nous marcherons tous dans la même pensée,
Cherchant un seul but, même en des chemins divers ;
Quand vers ce but sera sans relâche fixée
Toute la volonté ferme de l’Univers !
 
Alors viendra la Paix, la grande Nourricière !
Alors plus de patrie ! un seul peuple de dieux !
L’Égalité luira vivante sur la terre !
La Liberté vivra splendide sous les cieux !

Les jeunes croyances (1867)

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