Jean Aicard

La mer.

Concert prodigieux des ondes et des pierres !
Long retentissement des flots sur les galets !
Majesté de la mer débordant de lumières !
Fourmillement profond d’ombres et de reflets !
 
La mer, suprême tombe, est la source suprême ;
Plongez dans ce soleil, vous trouverez la nuit,
Mais la mort s’y fait vie, et dans cette ombre même
Un monde se recueille et travaille sans bruit.
 
Là, les plus petits font l’œuvre la plus sublime ;
Unis et patients, ils montent vers le jour,
Et bientôt ce labeur qu’emprisonnait l’abîme
Le firmament joyeux l’embrasse avec amour !
 
Parfois l’homme ainsi voit surgir quelque île immense,
Puis d’autres s’écrouler dans le gouffre écumant ;
Mais la puissante mer, sans repos, recommence
Les travaux éternels de son enfantement.
 
La mer, la grande mer est semblable à l’Histoire :
Toutes deux ont leurs nuits sans fond et leurs clartés
Au-dessous des splendeurs des rois et de la gloire,
Les peuples ténébreux forgent leurs libertés.
 
Et quand des ouragans s’apaise l’harmonie,
L’horizon vaporeux, lassé de se ternir,
Nous montre, dans la mer au firmament unie,
L’Humanité mêlée à Dieu, dans l’avenir.

Les jeunes croyances (1867)

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