Tu croîs dans ma Provence, ô divine Immortelle.
L’hiver, sur les coteaux que le flot bleu dentèle,
On abrite tes plants comme on cache un trésor ;
Tes tiges en avril jaillissent sur la touffe,
Et quand les blés sont mûrs, aux mois où l’on étouffe,
Ta plante grise érige en bouquets tes fleurs d’or.
Tous les abandonnés, fils, maîtresses ou mères,
Vont, croyant au retour des bonheurs éphémères,
Dédier tes bouquets à de chers endormis ;
On te connaît au loin, mais tressée en couronne,
Non pas quand notre été de ses feux t’environne,
Ou qu’au soupir des nuits de printemps tu frémis.
C’est pourquoi nul ne sait ce qui te donne une âme,
Ni combien notre ciel t’a versé de sa flamme,
Pour que, cueillie un jour, tu dures longuement ;
Ils ignorent d’où vient l’or vif de ta corolle,
Et nul d’entre eux ne sait, Immortelle, ô symbole,
Quel dur soleil a fait ton doux rayonnement.
Il faut que, dépassant de haut tes feuilles grises,
Tes tiges, tous les ans, par les étés sans brises,
Se dressent vers l’azur où le soleil se fond ;
Il faut qu’autour de toi l’ombre soit inconnue,
Et que, seule, au flanc sec de la colline nue,
Tu boives tout le feu d’un sol roux et profond.
Le soleil redouté fait ta gloire et ta joie ;
Ta tige, qui durcit, se rompt quand on la ploie,
Car en place de sève y court un feu subtil ;
Les fleurs qui meurent tôt ont besoin d’une eau fraîche ;
Toi, tu ris au soleil de juin qui les dessèche,
Tu vis de ce qui fait mourir les fleurs d’avril.
Pourquoi ? Comment ? Voilà le rêve et le mystère ;
D’autres fleurs, comme toi, dans l’air et dans la terre
Aspirent le soleil et l’ardeur de l’été ;
Mais nulle autre ne fait ce travail dans sa trame,
Et n’a ce don sublime, envié de mon âme,
De faire d’un rayon son immortalité.
Fleur divine, la pluie ou l’ombre t’est fatale ;
Il te faut un pays qui plaise à la cigale,
Et de tièdes recoins fermés au vent du Nord ;
Car l’immortalité te vient de la lumière
Qui se conserve en toi dans sa vertu première :
C’est le soleil en toi qui fait mentir la mort.