Jean Aicard

Avignon.

Vignes du Languedoc, oliviers des Alpines,
Toi qui dresses si haut ton front neigeux, Ventoux,
Alpes du Dauphiné, forêts, monts et collines,
Dans la plaine à vos pieds que regardez-vous tous ?
 
Les pics et les coteaux, les vignes et les chênes,
Étageant leurs gradins en cercle à l’horizon,
Regardent au milieu des mûriers, dans les plaines,
Près du Rhône qui luit, la hautaine Avignon.
 
Avignon a des murs du temps des épopées,
Dentelés de créneaux par où les vieillards blancs,
Tout en pleurs, regardaient les rudes coups d’épées,
En dressant vers le ciel muet leurs bras tremblants.
 
Le moyen âge grave et sombre vit encore
Dans son enceinte ovale où se dressent des tours,
Des jaquemarts debout dans leur clocher sonore,
Flèches, porches, palais, dômes aux noirs contours.
 
Aux faîtes les plus hauts et dans chaque lézarde,
Des fleurs mêlent leur grâce aux festons du granit,
Et même le figuier sauvage s’y hasarde
Au pied noueux duquel l’hirondelle a son nid.
 
Ici, c’est le palais tortueux et sévère
Des papes qui trônaient plus puissants que les rois ;
Là, l’église des Doms, et, devant, son Calvaire
Où se dresse un grand Christ en pierre sur sa croix.
 
Le crucifié triste est debout à mi-côte
Du Rocher, mamelon riant, de pins planté :
Une place au sommet ; sur cette place haute
Un Jean Althen de bronze, orgueil de la cité ;
 
Car c’est sous cet azur de clémence, que pousse
La garance, couleur de la vie et du sang.
Oh ! le divin pays où la langue est si douce
Sur les bords enchantés du Rhône si puissant !
 
Avignon resplendit dans un passé de gloire ;
Pétrarque à son nom seul m’apparaît et sourit,
Et son présent est beau de garder la mémoire
Du parler des anciens dont un mot m’attendrit.
 
Ô félibres, salut ! salut, ô Roumanille ;
Chanteur de la grenade entr’ouverte, Aubanel ;
On sait que votre accent donne à la jeune fille,
Etant fait pour l’amour, un sourire éternel.
 
Et toi, Mistral, au nom prédestiné ; félibres,
Vos voix ont dominé, si douces cependant,
Le Rhône et son mistral qui, sauvages et libres,
Sur les ponts d’Avignon se brisent en grondant !
 
Coteaux du Languedoc, Alpines, monts et chênes,
Qu’écoutez-vous, penchés en cercle à l’horizon ?
Les monts et les forêts écoutent dans les plaines,
Près du Rhône qui luit, la chanteuse Avignon.

Les Poèmes de Provence (1874)

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