Jacques Delille

Couplets sur la jeunesse

Demandés par des jeunes gens de Saint-Diez,
Qui donnaient une fête aux jeunes personnes de la ville.
 
         Le printemps vient, que tout s’empresse
À fêter l’âge des amours :
Quand sied-il mieux de chanter la jeunesse
Que dans la saison des beaux jours ?
 
         Tout s’embellit par la jeunesse,
Pour nous le fer arme ses mains ;
Elle eut ses fêtes dans la Grèce,
Elle eut ses jeux chez les Romains.
 
         Toi-même à la fête des Grâces,
Vieillesse, parais à ton tour ;
Comme l’hiver chauffe tes glaces
Aux rayons naissants d’un beau jour.
 
         Ô toi, jeunesse séduisante,
Ne refuse pas son doux prix
Au poète heureux qui te chante ;
Tu peux le payer d’un souris.
 
         Si la vieillesse obtient pour elle
Quelque jour les mêmes faveurs,
Pour rendre la fête plus belle,
Jeunesse, fais-en les honneurs.
 
         Alors si j’y parais moi-même,
Honore-moi d’un doux accueil ;
Et que le chantre heureux qui t’aime
Soit favorisé d’un coup-d’œil.
 
         Ainsi la complaisante Aurore,
Au front jeune, au regard serein,
Permet que le soir se colore
De quelques rayons du matin.
 
         Mais, qu’entends-je ? Une voix chérie
Prête à mes vers ses sons touchants ;
Ce lieu charmant est sa patrie,
Il a double droit à mes chants.

Poésies fugitives (1807)

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