Des blancs torrents écoutant le murmure,
Sur les gazons je me suis arrêté ;
Jamais le soir, ô nature, nature !
N’eut plus d’éclat ni plus de majesté.
Feux dans l’azur, neige d’or revêtue !
Hymnes des bois, échos des monts en fleurs !
Dans cet accord ma voix seule s’est tue,
C’est que mon âme était ailleurs.
Quand vint le soir, le pâtre et sa famille
Me firent place à leur humble foyer ;
En souriant, la belle jeune fille
Mit devant moi le lait hospitalier.
Puis la cithare animant ses compagnes,
De leurs chansons je compris les douceurs ;
Mais je me tus au refrain des montagnes,
Mon âme encore était ailleurs.
Avant le jour, bravant les roches nues,
Du franc chasseur je suivis le sentier ;
Je contemplai ces beautés inconnues
Du ciel cédant la lumière au glacier.
En vain pourtant, du rocher qui s’élance,
Mon œil cueillait d’éternelles splendeurs :
Toujours en moi régnait même silence,
Toujours mon âme était ailleurs.
Jadis pourtant, à ces magiques fêtes
Où la montagne invite ses enfants,
Ma bouche avait des hymnes toujours prêtes,
Et des refrains aux échos triomphants :
C’est qu’autrefois ma voix insoucieuse
Aimait les bois, les eaux, les monts, les fleurs ;
Mais maintenant elle est silencieuse ;
Maintenant mon âme est ailleurs.