Henri Durand

L’étoile.

C’est l’heure où la fatigue au sommeil nous invite,
Où la brise fraîchit avec l’ombre du soir ;
Je m’en vais seul et triste en regagnant mon gîte :
Hélas ! de tout le jour je n’ai pas pu te voir.
 
Je regarde le ciel pour découvrir peut-être
L’étoile de mon sort s’avançant dans la nuit ;
Soudain, voyant briller la lampe à ta fenêtre,
Je dis : Voici mon astre, et j’approche sans bruit.
 
Sa lampe luit encore ; mais pourquoi veille-t-elle ;
Et quels soins, quels pensers, l’occupent aussi tard ?
Peut-être qu’elle laisse errer son cœur fidèle ;
Dans ses rêves du soir peut-être ai-je ma part.
 
Sans doute alors, pensive, elle incline sa tête,
Un sourire à sa lèvre, une larme à ses yeux ;
Ou bien c’est vers le ciel que son esprit s’arrête :
Elle prie à genoux, courbant son front pieux.
 
Que sa prière pure et fraîche d’innocence
Monte comme un parfum qui s’élève vers Dieu !
Et si quelque soupir d’amour ou d’espérance
S’y mêle aussi, Seigneur, daigne exaucer son vœu !
 
Mais voici tout à coup que s’éteint la lumière,
Et la nuit alentour étend son voile noir ;
Aux vitres vient briller l’étoile belle et claire
Qui se mire du ciel dans ce sombre miroir.
Oh ! cet astre d’argent, n’est-ce pas ? C’est le nôtre ;
Il vient dans ton sommeil caresser tes beaux yeux ;
L’astre de notre amour ! en est-il donc un autre
Qui d’un éclat si pur puisse briller aux cieux ?
Oh ! luira-t-il bientôt pour nous conduire ensemble
Par des routes en fleurs, par des sentiers bénis ?
Jettera-t-il bientôt de son rayon qui tremble
Une auréole heureuse à nos deux fronts unis ?
Regarde notre étoile et comprends son langage,
Ma belle et douce amie ; elle te parle, à toi ;
Sache donc dans le ciel lire aussi ce présage
De vie et de bonheur, d’espérance et de foi.
S’il est bien vrai que l’âme a des chaînes secrètes,
Si de la sympathie il est pour nous des lois ;
Si l’amour a pour lui de sacrés interprètes
Et pour parler aux cœurs une indicible voix,
Sans doute, en ce moment, les désirs de mon âme
Aussi dans le secret à ton âme ont parlé ;
Sans doute de ton cœur mystérieuse flamme,
Ton amour par le mien s’est senti consolé.
 
Mais il est tard déjà ; tout s’endort sur la terre ;
Un rêve maintenant va charmer ton repos ;
C’est l’heure du sommeil, achève ta prière ;
Vois et salue encore l’étoile à tes vitraux.
 
Et puis dors, dors en paix, car sur nous elle veille ;
C’est Dieu qui l’a placée au ciel pour nous garder,
Pour jouer dans la nuit sur ton front qui sommeille,
Et dans ce monde obscur nous guider tous les deux.

Poésies complètes (1858)

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