Henri Durand

Chanson d’étrennes.

L’année a fui, voici sa dernière heure !
Et l’an nouveau qui s’ouvre plein d’espoir
Offre un souris au malheureux qui pleure,
Et pour nos jours nous promet un beau soir.
Oh ! maintenant que les amis s’embrassent,
Bravant l’hiver, la neige et les glaçons,
Que je voudrais, sans les nœuds qui m’enlacent,
Vous apporter moi-même mes chansons !
 
A se fêter tout le monde s’empresse,
Chacun se fait doux ou riches présents ;
C’est dans ce jour encore que la tendresse
Forme à l’envi des vœux pour les absents
Vous ne pourrez accuser mon silence,
Voici pour vous des vers de ma façon,
Beaucoup de vœux et beaucoup d’espérance !...
Mais pour présent je n’ai qu’une chanson.
 
Lorsque, le soir, mon esprit est en proie
Aux souvenirs qu’il aime à contempler,
Lorsque je songe à ces trésors de joie
Qu’avait pour moi l’an qui va s’envoler,
Alors je rêve à ces heures si belles
Où l’amitié, joyeuse et sans façons,
Nous rassemblait auprès de vous fidèles,
Et s’animait aux refrains des chansons.
 
Je dis : Pour nous le bonheur vite passe,
Puis dans le cœur il laisse un vide amer ;
De nous sourire, ah ! le temps qui se lasse
Devient bientôt plus sombre avec l’hiver.
—Mais c’est en vain que ce penser m’égare ;
Pour la gaîté j’ai reçu vos leçons :
Peut-être un jour, au son de la guitare,
Pourrai-je encore vous chanter mes chansons.
 
Oh ! dans mon sein le nom de ceux que j’aime
Reste gravé pour un long avenir ;
Que dans ce jour chez vous il soit de même ;
A votre ami donnez un souvenir !
Nos voix aussi, de loin, quoique effacées,
Comme nos cœurs seront à l’unisson ;
D’ici vers vous voleront mes pensées ;
Pensez à moi, répétez ma chanson.

Poésies complètes (1858)

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