Gérard de Nerval

Delfica

La connais-tu, Dafné, cette ancienne romance,
Au pied du sycomore, ou sous les lauriers blancs,
Sous l’olivier, le myrthe ou les saules tremblants,
Cette chanson d’amour... qui toujours recommence !
 
Reconnais-tu le Temple, au péristyle immense,
Et les citrons amers où s’imprimaient tes dents ?
Et la grotte, fatale aux hôtes imprudents,
Où du dragon vaincu dort l’antique semence.
 
Ils reviendront, ces dieux que tu pleures toujours !
Le temps va ramener l’ordre des anciens jours ;
La terre a tressailli d’un souffle prophétique...
 
Cependant la sibylle au visage latin
Est endormie encor sous l’arc de Constantin :
—Et rien n’a dérangé le sévère portique.

Les chimères (1854)

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