Fait conjointement avec la duchesse
de Bellegarde et le marquis de Racan.
1606.
Qu’autres que vous soient désirées,
Qu’autres que vous soient adorées,
Cela se peut facilement :
Mais qu’il soit des beautés pareilles
À vous, merveille des merveilles,
Cela ne se peut nullement.
Que chacun sous votre puissance
Captive son obéissance,
Cela se peut facilement :
Mais qu’il soit une amour si forte
Que celle-là que je vous porte,
Cela ne se peut nullement.
Que le fâcheux nom de cruelles
Semble doux à beaucoup de belles,
Cela se peut facilement :
Mais qu’en leur âme trouve place
Rien de si froid que votre glace,
Cela ne se peut nullement.
Qu’autres que moi soient misérables
Par vos rigueurs inexorables,
Cela se peut facilement :
Mais que de si vives atteintes
Parte la cause de leurs plaintes,
Cela ne se peut nullement.
Qu’on serve bien lorsque l’on pense
En recevoir la récompense,
Cela se peut facilement :
Mais qu’une autre foi que la mienne
N’espère rien et se maintienne,
Cela ne se peut nullement.
Qu’à la fin la raison essaie
Quelque guérison à ma plaie,
Cela se peut facilement :
Mais que d’un si digne servage
La remontrance me dégage,
Cela ne se peut nullement.
Qu’en ma seule mort soient finies
Mes peines et vos tyrannies,
Cela se peut facilement :
Mais que jamais par le martyre
De vous servir je me retire,
Cela ne se peut nullement.