À la Reine Marie de Médicis.
(Pendant sa régence.)
1611.
Objet divin des âmes et des yeux,
Reine, le chef-d’œuvre des cieux,
Quels doctes vers me feront avouer
Digne de te louer ?
Les monts fameux des vierges que je sers
Ont-ils des fleurs en leurs déserts,
Qui, s’efforçant d’embellir ta couleur,
Ne ternissent la leur ?
Le Thermodon a vu seoir autrefois
Des reines au trône des rois :
Mais que vit-il par qui soit débattu
Le prix à ta vertu ?
Certes nos lis, quoique bien cultivés,
Ne s’étaient jamais élevés
Au point heureux où les destins amis
Sous ta main les a mis.
À leur odeur l’Anglais se relâchant,
Notre amitié va recherchant ;
Et l’Espagnol, prodige merveilleux !
Cesse d’être orgueilleux.
De tous côtés nous regorgeons de biens ;
Et qui voit l’aise où tu nous tiens
De ce vieux siècle aux fables récité
Voit la félicité.
Quelque discorde murmurant bassement
Nous fit peur au commencement :
Mais sans effet presque il s’évanouit,
Plus tôt qu’on ne l’ouït.
Tu menaças l’orage paraissant :
Et tout soudain obéissant,
Il disparut comme flots courroucés,
Que Neptune a tancés.
Que puisses-tu, grand soleil de nos jours,
Faire sans fin le même cours,
Le soin du ciel te gardant aussi bien,
Que nous garde le tien !
Puisses-tu voir sous le bras de ton fils
Trébucher les murs de Memphis,
Et de Marseille au rivage de Tyr
Son empire aboutir !
Les vœux sont grands : mais avecque raison
Que ne peut l’ardente oraison !
Et, sans flatter, ne sers-tu pas les dieux,
Assez pour avoir mieux ?