Aux Dames, pour les demi-Dieux marins conduits par
Neptune, dans le carrousel des quatre Eléments,
En mars 1606.
Ô qu’une sagesse profonde
Aux aventures de ce monde
Préside souverainement,
Et que l’audace est mal apprise
De ceux qui font une entreprise
Sans douter de l’événement !
Le renom que chacun admire
Du prince qui tient cet empire
Nous avait fait ambitieux
De mériter sa bienveillance,
Et donner à notre vaillance
Le témoignage de ses yeux.
Nos forces, partout reconnues,
Faisaient monter jusques aux nues
Les desseins de nos vanités :
Et voici qu’avecque des charmes
Un enfant qui n’avait point d’armes
Nous a ravi nos libertés !
Belles merveilles de la terre,
Doux sujets de paix et de guerre,
Pouvons-nous avecque raison
Ne bénir pas les destinées
Par qui nos âmes enchaînées
Servent en si belle prison ?
L’aise nouveau de cette vie
Nous ayant fait perdre l’envie
De nous en retourner chez nous,
Soit notre gloire ou notre honte,
Neptune peut bien faire compte
De nous laisser avecque vous.
Nous savons quelle obéissance
Nous oblige notre naissance
De porter à sa royauté ;
Mais est-il ni crime ni blâme
Dont vous ne dispensiez une âme
Qui dépend de votre beauté ?
Qu’il s’en aille à ses Néréides
Dedans ses cavernes humides,
Et vive misérablement
Confiné parmi ses tempêtes :
Quant à nous, étant où vous êtes,
Nous sommes en notre élément.