François Coppée

La mort du singe.

Frissonnant jusque dans la moelle,
Pelé, funèbre et moribond,
Le vieux singe, près de son poêle,
Tousse en râlant et se morfond.
 
Composant, malgré sa détresse,
La douleur qui le fait mourir,
Il geint : mais sa plainte s’adresse
Au public qu’il veut attendrir.
 
Comme une phthisique de drame
Pâmée en ses neigeux peignoirs,
Il joint, avec des airs de femme.
Ses petits doigts ridés et noirs ;
 
Et des pleurs, traçant sur sa face
Deux sillons parmi les poils roux,
Font plus navrante sa grimace
Faite de rire et de courroux.
 
Vieil histrion, loin de tes planches,
Ainsi tu n’as pas regretté
Les bonds effarés dans les branches,
L’Inde immense, la liberté !
 
Ce que tu pleures, c’est la scène
Et ce palais de fil de fer
Dans lequel, parodiste obscène,
Grattant ton poil, montrant ta chair,
 
Railleur, tu faisais voir aux hommes
Ce qu’ils ont de vil et de laid,
Pour manger les trognons de pommes
Dont leur colère t’accablait !

Poèmes divers (1869)

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