François Coppée

En hiver.

Sur la route en linceul changée
Par deux longs mois de vent du nord,
La petite passe, chargée
De son lourd fagot de bois mort.
 
Comme l’horizon s’illumine
Des lueurs d’un couchant d’hiver,
Sa silhouette se dessine,
Svelte et brune, sur le ciel clair.
 
Et moi, j’imagine ta vie,
Enfant qui vas seule le soir,
Portant ton fagot et suivie
D’un vieux et paisible chien noir.
 
Pauvre, orpheline et sans famille,
Et sauvage avec les garçons,
Tu files l’hiver, humble fille,
Et tu vas glaner aux moissons.
 
Triste ramasseuse de branches
Qui cours si tard sans t’alarmer,
Tu n’as qu’un bonnet des dimanches,
Tu n’as qu’un vieux chien pour t’aimer.
 
Et cherchant, toujours solitaire,
Blé pour ton pain, bois pour ton feu,
Tu vis de ce qu’on trouve à terre
Comme les oiseaux du bon Dieu.

Sonnets intimes et poèmes inédits (1911)

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