Félix Arvers

À Alfred de Musset

Oh ! redis-les encor ces paroles dorées ;
Rends-nous ces flots si purs qui s’épanchaient sur nous,
Rends-nous l’écho lointain de ces hymnes sacrées
Que le chrétien ne doit entendre qu’à genoux.
 
Hélas ! qui t’a si jeune enseigné ces mystères
Et toutes ces douleurs du pauvre cœur humain ?
Quel génie au milieu des sentiers solitaires
Au sortir du berceau t’a conduit par la main ?
 
Ô chantre vigoureux, ô nature choisie !
Quel est l’esprit du Ciel qui t’emporte où tu veux ?
Quel souffle parfumé de sainte poésie
Soulève incessamment l’or de tes blonds cheveux ?
 
Quel art mystérieux à ton vers prophétique
Mêla tant de tristesse et de sérénité ?
Quel artiste divin, comme au lutteur antique,
Te donna tant de force avec tant de beauté ?
 
Ton œil a découvert et sondé chaque plaie
D’un monde qui n’a plus la force de vieillir,
Et tu sais l’heure au juste où l’on doit sur sa claie
Voir le vieux patient râler et défaillir.
 
Tu sais, tu sais où vont Ninive et Babylone,
Tu lis dans l’avenir ses desseins ténébreux,
Et c’est de ton côté que reluit la colonne
Qui conduit au désert le peuple des Hébreux.
 
Dans l’abîme du cœur, plongeur à longue haleine,
Tu fouilles ce qu’il a d’intime et de profond,
Et tu ne reparais que la main toute pleine
Des trésors que le ciel avait cachés au fond.

Mes heures perdues (1833)

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