À M. de F...
Abjurant ma douce paresse,
J’allais voyager avec toi ;
Mais mon cœur reprend sa faiblesse ;
Adieu ; tu partiras sans moi.
Les baisers de ma jeune amante
Ont dérangé tous mes projets.
Ses yeux sont plus beaux que jamais ;
Sa douleur la rend plus touchante.
Elle me serre entre ses bras,
Des dieux implore la puissance,
Pleure déjà mon inconstance,
Se plaint et ne m’écoute pas.
À ses reproches, à ses charmes
Mon cœur ne sait pas résister.
Qui ! moi, je pourrais la quitter !
Moi, j’aurais vu couler ses larmes,
Et je ne les essuierais pas !
Périssent les lointains climats
Dont le nom causa ses alarmes !
Et toi qui ne peux concevoir
Ni les amants, ni leur ivresse ;
Toi qui des pleurs d’une maîtresse
N’as jamais connu le pouvoir,
Pars ; mes vœux te suivront sans cesse.
Mais crains d’oublier ta sagesse
Aux lieux que tu vas parcourir ;
Et défends-toi d’une faiblesse
Dont je ne veux jamais guérir.