Charles Dovalle

Le Sylphe.

L’aile ternie et de rosée humide,
Sylphe inconnu, parmi les fleurs couché,
Sous une feuille, invisible et timide,
           J’aime à rester caché.
 
Le vent du soir me berce dans les roses ;
Mais quand la nuit abandonne les cieux,
Au jour ardent mes paupières sont closes :
           Le jour blesse mes yeux.
 
Pauvre lutin, papillon éphémère,
Ma vie, à moi, c’est mon obscurité !
Moi, bien souvent, je dis : « C’est le mystère
           « Qui fait la volupté ! »
 
Et je m’endors dans les palais magiques,
Que ma baguette élève au fond des bois,
Et dans l’azur des pâles véroniques
           Je laisse errer mes doigts.
 
Quand tout-à-coup l’éclatante fanfare
A mon oreille annonce le chasseur,
Dans les rameaux mon faible vol s’égare,
           Et je tremble de peur.
 
Mais, si parfois, jeune, rêveuse et belle,
Vient une femme, à l’heure où le jour fuit,
Avec la brise, amoureux, autour d’elle
           Je voltige sans bruit.
 
J’aime à glisser, aux rayons d’une étoile,
Entre les cils qui bordent ses doux yeux ;
J’aime à jouer dans les plis de son voile
           Et dans ses longs cheveux.
 
Sur son beau sein quand son bouquet s’effeuille,
Quand à la tige elle arrache un bouton,
J’aime surtout à voler une feuille
           Pour y tracer mon nom...
 
Oh ! respectez mes jeux et ma faiblesse,
Vous qui savez le secret de mon cœur !
Oh ! laissez-moi, pour unique richesse,
           De l’eau dans une fleur.
 
L’air frais du soir ; au bois, une humble couche ;
Un arbre vert pour me garder du jour...
Le sylphe, après, ne voudra qu’une bouche
           Pour y mourir d’amour !

Poésies de feu (1830)

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