Mes souvenirs sont si nombreux
Que ma raison n’y peut suffire.
Pourtant je ne vis que par eux,
Eux seuls me font pleurer et rire.
Le présent est sanglant et noir ;
Dans l’avenir qu’ai-je à poursuivre ?
Calme frais des tombeaux, le soir !...
Je me suis trop hâté de vivre.
Amours heureux ou malheureux,
Lourds regrets, satiété pire,
Yeux noirs veloutés, clairs yeux bleus,
Aux regards qu’on ne peut pas dire,
Cheveux noyant le démêloir
Couleur d’or, d’ébène ou de cuivre,
J’ai voulu tout voir, tout avoir.
Je me suis trop hâté de vivre.
Je suis las. Plus d’amour. je veux
Vivre seul, pour moi seul décrire
Jusqu’à l’odeur de tes cheveux,
Jusqu’à l’éclair de ton sourire,
Dire ton royal nonchaloir,
T’évoquer entière en un livre
Pur et vrai comme ton miroir.
Je me suis trop hâté de vivre.
ENVOI.
Ma chanson, vapeur d’encensoir,
Chère envolée, ira te suivre.
En tes bras j’espérais pouvoir
Attendre l’heure qui délivre ;
Tu m’as pris mon tour. Au revoir.
Je me suis trop hâté de vivre.