Cécile Sauvage

La tasse.

Dans cette tasse claire où luit un cercle d’or
J’ai versé du lait blanc pour ta lèvre vermeille.
Comme un enfant dolent le long du corridor
Un rayon de soleil s’étant couché sommeille.
 
Vois, la mouche gourmande est plus sage que toi.
Perchée au bord du vase où son aile se mouille,
Avec sa trompe fine et subtile elle boit
Tandis que le jour bleu dévide sa quenouille.
 
Ah ! si la nuit venait, comme nous aurions peur ;
La nuit fait les gros yeux avec la lune ronde
Et tous les astres blonds qui pressent leur lueur
Sur le front noir de l’ombre où l’angoisse est profonde.
 
Vite ! bois cette tasse avant que soit le soir ;
Le moineau de la cage aime l’eau que je verse,
La fleur du pot d’argile accueille l’arrosoir,
Comme les champs nouveaux se plaisent à l’averse.
 
Et surtout ne va pas avec tes doigts fripons
Déranger le niveau de la crème dormante ;
On apporte la lampe et son nimbe au plafond
Bouge comme au matin une source mouvante.
 
Dieu ! c’est l’ombre déjà ! Déjà le ver luisant
Répand sa goutte d’or sur la verdure moite...
Vite ! l’étoile fait les cornes en passant
Et la lune a caché le soleil dans sa boîte.

L’âme en bourgeon (1910)

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