Albert Mérat

Distrait et grave comme un fou

Distrait et grave comme un fou,
Ayant mes rêves pour cortèges,
Je vais un peu je ne sais où
Par les pays où sont les neiges.
 
Je vais, et je ne saurais pas
Te dire, parfois, où nous sommes.
Mais qu’importe à qui laisse en bas
L’amas des villes et des hommes !
 
Que dois-je trouver en chemin
Sur cette route bienfaisante ?
Les chers yeux que j’aime, ou ta main
Plus fidèle et toujours présente ?
 
—Lorsque j’aurai, tout à travers
L’importunité de mes songes,
Fait du chemin et fait des vers
Gais ou tristes, mais sans mensonges.
 
Sachant que ton goût jeune a foi
Dans notre art, l’antique folie,
Et que tu notes comme moi,
Ton cœur avec mélancolie ;
 
Je n’irai pas chercher bien loin
Le lecteur ami qui comprenne
Ces poèmes, dont j’ai pris soin
D’accorder l’âme sur la tienne.
 
Je veux inscrire ici ton nom
Et, t’offrant la primeur hâtive
De mes vers, précieux ou non,
Te dire de façon naïve :
 
Rêveur pour qui l’herbe n’a pas
De fleurettes indifférentes,
A toi ce que j’ai, pas à pas,
Cueilli de strophes odorantes !

Les tableaux de voyage (1865)

#ÉcrivainsFrançais

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